Désir, désirs

Publié le par Campus-j

Le désir est par définition la tendance vers un objet (matériel ou pas) que nous imaginons être source de satisfaction. Nous pouvons comparer le désir à une parabole présentant un maximum : le désir commence au point le plus bas, qui est le manque. Ensuite arrive une ascension progressive provenant du halo idéal entourant l’objet du désir. Avant d’obtenir l’objet dont nous avons envie, nous le magnifions et lui attribuons des vertus extraordinaires. La raison est simple : l’objet de notre désir étant encore utopique, notre imagination le couvre d’un voile de perfection, multipliant ses vertus et estompant ses vices. En effet, une idée est toujours transcendante par rapport à un objet, du fait même de son caractère immatériel. Le concept de noblesse provient du fait que l’idée est pensée par le cerveau humain. Après une attente qui semble interminable, nous obtenons enfin notre objet. Le moment même de la réalisation du désir constitue l’apogée, le point le plus élevé de la courbe. Nous atteignons alors le plaisir. Mais ce plaisir ne dure pas longtemps. La satisfaction du désir est suivie d’une rechute, résultant de la prise de conscience de l’imperfection de notre dessein. Paradoxalement, la prise de conscience est vaine parce que tout désir en entraîne un autre.

Désir, désirs

Le désir est-il un besoin ?

Un besoin est naturel et nécessaire, contrairement au désir, culturel et contingent. Ces deux définitions creusent un fossé sémantique entre besoin et désir. Désirer n’est pas indispensable dans la mesure où l’objet du désir n’est pas nécessaire à la survie. Cependant, l’utilité latente du désir peut venir combler cet abîme pour plutôt l’identifier à un besoin. Selon le conatus de Spinoza : il est caractérisé par une énergie vitale assurant la survie de tout être vivant. Cette énergie se manifeste par un appétit continuel envers les choses de la vie. Donc le désir est en quelques sortes un moteur pour aimer l’existence et ne pas souhaiter son arrêt, d’où sa nécessité. Ceci pousse Spinoza à affirmer : « On ne désire pas une chose parce qu’elle est bonne, mais une chose est bonne du fait qu’on la désire ».

Par ailleurs, le désir semble principal dans la mesure où il permet au sujet de valoriser sa conscience. Quand nous désirons un objet, nous découvrons ses « qualités », ce qui augmente de facto notre connaissance de nous-mêmes. L’objet de notre désir est le miroir de notre conscience. Toutefois, le désir d’un objet n’est pas suffisant : c’est le désir d’un autre sujet qui va augmenter notre valeur personnelle. D’après Hegel, lorsque nous désirons une personne, nous cherchons qu’elle nous reconnaisse en contrepartie. C’est l’atteinte de cette reconnaissance qui va nous donner une conscience de nous-mêmes en tant qu’individu ayant de la valeur. Être désiré par l’Autre nous porte nous élève du rang de simple objet au rang de sujet, unique à ses yeux.

Néanmoins, il est impératif de garder en tête que les désirs sont insatiables. Nous pouvons les affecter au tonneau des Danaïdes : un récipient troué qui se vide aussitôt que nous le remplissons.

Désir, désirs

Comment réguler ses désirs ?

Épicure classifie les désirs en naturels et vains. Les désirs naturels englobent la nécessité de la vie, du bien-être du corps et du bonheur. Il caractérise le désir sexuel de non nécessaire. Quant aux désirs vains, ils constituent l’illimitation des désirs naturels nécessaires (consommation de masse, luxe, caprices…) et non nécessaires (amour). Épicure propose de bannir tous les désirs vains afin d’accéder à une vie sereine.

En outre, Platon, dans Gorgias, conseille de remplacer les biens matériels, corruptibles, par les biens intelligibles, comme la pensée, afin de demeurer dans la modération et d’accéder à une stabilité intérieure.

Et le bonheur dans tout ça ?

Il est évident que la satisfaction de désirs éphémères et matériels ne mène pas au bonheur ultime. Il est possible de ressentir de la joie lors de l’obtention de l’objet, mais cette joie n’est pas durable. La clé du bonheur réside donc ailleurs. Le bonheur serait plutôt relatif et dépendrait des idéaux de chaque individu. Considérons un peu l’amour auquel beaucoup aspirent : comment atteindre cet absolu épanouissement à la fois intellectuel et sensuel, sachant que l’être humain n’est qu’un ensemble de qualités qui s’inscrivent dans la durée ? Comme l’affirme Pascal, il serait injuste d’aimer la substance de l’âme d’une personne quelles que soient ses qualités.

Quant au bonheur, la réponse classique donnée par les philosophes est de mener une vie d’intellectuel. Personnellement, je pense que la seule réponse valide serait l’équilibre et la modération !

 

Layana AWADA, ISO

Désir, désirs

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